Monday, February 23, 2009

conversion

C'est par un triste soir d'hiver que je poussai la porte sombre de l'ancien couvent .

Mon âme était au diapason du temps: froide, brumeuse, ténébreuse ,angoissée,visqueuse comme ceux qui s'enfoncent dans la nuit à reculons effrayés par le noir.

Le lourd battant de chêne brun s'effaça devant moi en soupirant se souvenant peut-être des âmes en recherche qui passèrent un jour sous le porche.
Je posai un pied sur la pierre bleue du seuil , puis un autre sur le dallage fatigué du sas y croisant un petit groupe qui me salua en souriant .
Méfiant et réservé je leur rendis à peine la politesse . Le doute investit mon cœur :"

Leur affabilité cache sans doute quelque piège" me grinça une voix intérieure.

La réalité fut toute autre !

Ne pouvant prendre racine dans l'antichambre, trop curieux pour reculer, trop orgueilleux pour ne pas aller au bout de ma recherche, je tirai alors la porte intérieure de chêne clair finement sculptée qui s'ouvrait sur la chapelle.

Et là : PAN ! Un grand coup dans les convictions classifiées de mes gènes !

Au bout de la travée bordées de sièges à la paille fatiguée il y avait le chœur !

Au fond du chœur se dessinait l'ovale d'un doux visage aux teintes pastel délicatement façonné dans une fine mosaïque aux couleurs immatérielles .
Il tapissait toute la rotonde.


Une voix me murmura alors : "je t'attendais ! " sans timbre, sans accent, ce n'était qu'un doux flottement qui fourmillait dans tout mon être.
Suspicieux , je glissai un œil autour de moi , mais il n'y avait personne à proximité de voix .


Je m'assis alors timidement sur la dernière chaise du dernier rang, pas loin de la porte, prêt à partir à la moindre alerte.

Toute crainte m'avait quitté !

J'assistai donc à la messe et lorsque le prêtre invita à la paix quelque ' un se leva, vint vers moi, m'embrassa et me dit : "la paix soit avec toi mon frère ".
Jamais on ne m'avait traité avec autant de fraternité ! Fils unique je ne savais pas ce qu'était un frère.

L'office approchait de la fin et tout à coup, dans l'assemblée une voix cita des versets prononcés par le prophète Jérémie deux siècles avant JC :

"Revenez fils rebelles car c'est moi votre maître, je vous prendrai un d'une ville, deux d'une famille et je vous donnerai des pasteurs selon mon coeur qui vous paîtront avec intelligence et prudence "

J'étais donc ce fils rebelle !
Mon véritable maître se révélait soudain à mon cœur et c'était Lui qui choisissait ! J'étais néanmoins libre de ne pas revenir mais je ne le pus !


A partir de ce moment rien ne fut plus comme avant ! Ma vie basculait !
Néanmoins rien ne fut facile ! Jésus-Christ nous avait bien prévenus !

La croix , les épines et les clous me meurtrissaient les entrailles de l'âme .
L'épreuve du fils prodige se conjugua en un quotidien qui vit partir en fumée les économies de deux générations ;
la famille pourtant si proche et si unie plongea dans la trahison , la condamnation et le jugement ; l'opportunisme larvé de certains membres de l'église institutionnelle ne dissimula plus ses intentions;
Le placard doré de l'entreprise était certes douillet mais limita ma ligne d'horizon jusqu'à la retraite ;


Cependant je vivais ces situations dans l'abandon filial au Père Céleste lui confiant toutes ces douleurs que mon impuissance ne pouvait panser car trop petit , trop faible dans mon insignifiance .

Le temps se déclinait en décennies sans espoir ; j'appris la patience , la confiance , l'espérance dans une paix qui ne pouvait pas venir du genre humain tant elle apaisait .

Et puis un jour le tombeau éclata soudainement en un feu d'artifice !

Le grand jour dévoila ces dons que je n'attendais plus : retour de l'enfant perdu , nouvelle maison acquise (alors que sans moyens financiers) dans un nouveau pays , spiritualité ancrée fortement dans la Parole aimante de Dieu et même coup d'arrêt à cette vilaine tumeur anéantie avant de migrer .
Je reçus plus que je ne pouvais imaginer et ce sans rien demander .
Chaque don était amplifié en force et en beauté .


Aujourd'hui nous conjuguons le mot "Résurrection" au sein d'une famille qui s'est reconstruite dans l'amour .

Sunday, February 08, 2009

pots à lait


Il quittait l'étagère sur laquelle il se reposait vers les 18h00 ; une main le tirait vers le bas pendant que l'autre plaquait fermement le couvercle sur le corps en aluminium gris bleu le mettant ainsi hors poussière .

La distance n'était pas longue jusque la ferme.


Une fois arrivé , il attendait patiemment son tour maintenu par les doigts fermes de l'enfant .
La porte de l'écurie s'ouvrit devant la fermière qui tirait un gros bidon de lait .

Elle laissait derrière elle les vaches ruminantes qui tiraient sur leurs chaînes .

Un nuage de buée la suivit jusque la laiterie accompagné de l'odeur tenace du cheptel .
Saisissant le gros bidon elle le déversa adroitement dans le filtre de la turbine .
Epaix , crémeux , le lait immaculé s'engouffrait vivement en gros bouillons dans le corps rebondi de l'écrèmeuse.
Elle retira alors le filtre , saisit le long manche plat de sa pinte en aluminium qu'elle plongea dans le liquide d'un blanc éclatant ; il s'en dégageait alors une odeur , sucrée et douce qui glissait agréablement dans le narines .


Les pots tendus se remplissaient d'une , voire deux ou trois pintes de lait qui investissait le pot en chuintant ; une dernière goutte versée en cadeau et un claquement énergique ajustait le couvercle sur le pot .

Il fallait faire bien attention de ne pas renverser le précieux liquide sur le chemin du retour .

Posé sur la table de la cuisine il était alors délesté de son contenu . Lavé et égoutté il séchait sur l'évier jusqu'au lendemain matin avant de rejoindre son coin sur l'étagère de la cave .

Certains pots étaient émaillés de couleurs vives .
Aujourd'hui il a rejoint le rang des antiquités tout comme le bidon , la turbine , la passette et la pinte au long manche .


La traite est aussitôt analysée et déversée dans des citernes réfrigérées mélangée aux différents additifs . Le lait ne tourne plus comme autrefois ; il n'a même plus besoin d'être bouilli .

Quand aux vaches elles continuent à ruminer après avoir descendu le plancher de la traite .